Le tour des Saint-Bernard

Le tour des Saint-Bernard

21 août 2022 0 Par StephOnABike
Juin 2013 (France / Suisse / Italie)

Un premier voyage à vélo… pour découvrir et préparer le suivant.

Novembre 2012, je dégotte sur « Le bon coin » la rareté… une remorque Bob Ibex, il n’en fallait pas moins pour que germe l’envie de parcourir le monde à vélo.

Le projet prend vite corps… mon VTT XC du moment, un Specialized HardRock, en fera la frais.
Pour ce premier voyage, je ne remplace que les pneus XC/FR par une paire de slick de faible section afin d’optimiser le roulement et j’installe une sacoche de guidon.

Parallèlement, je cogite sur l’itinéraire… pour cette première expérience, je ne veux pas partir trop longtemps, 4/5 jours. Un galop d’essai afin de tester le matos et appréhender les contraintes du cyclo-voyage. Mon choix s’arrête rapidement sur une rando de 5 jours « locale », sous la forme du tour des Saint-Bernard, une boucle entre France, Suisse et Italie.

Départ de Thonon, direction le Valais (Suisse) pour remonter une partie du Rhône jusqu’à Martigny afin d’accéder à l’ascension du Grand Saint-Bernard, pour redescendre sur le Val d’Aoste. De là, direction le Petit Saint-Bernard et le Cormet de Roselend, avant de rejoindre Annecy et enfin retour au bercail.

Une boucle de 400 km pour 8000 m de D+. Costaux, mais pas insurmontable… à priori !

Préparation

Si tracer l’itinéraire ne pose pas de problème, il s’agit finalement que d’une boucle, préparer le matériel en revanche demande un peu plus de réflexion.

Que prendre ?

Pour ce premier voyage à vélo, j’ai peur d’oublier l’essentiel, mais je ne veux pas trop me charger non plus.

Réflexion faite, je décide de me limiter à l’essentiel… après-tout, je ne pars que quelques jours et l’objectif est de justement voir ce qui est nécessaire ou ne l’est pas !!!

Ce sera donc une tente, un matelas, un duvet, un réchaud pour la partie bivouac. Un pantalon convertible, un sous-vêtement de cycliste, deux sous-vêtements thermiques (un court, un long), ainsi qu’une polaire et un bonnet. Le tout complété par un surpantalon de pluie et une veste Gore.


1er jour

Thonon-les-bains / Liddes (Suisse)

Comme trop souvent quand je pars en vacances, une petite pluie fine tombe sur Thonon en ce lundi 23 juin 2013… Après un moment d’hésitation, je décide de prendre la route, les bulletins de météo suisse se veulent rassurant, annonçant une amélioration sur la vallée du Rhône dès le début de l’après-midi.

C’est donc la fleur au fusil que je donne mes premiers coups de pédales, même si dans l’immédiat j’étrenne mon surpantalon de pluie.

La première partie jusqu’à la frontière Suisse est plutôt monotone et quelque peu dangereuse. L’étroitesse de la route nationale entre Evian et Saint-Gingolph, ainsi que sa fréquentation apporte une insécurité permanente. Mais à partir du Bouveret, tout est oublié… les « vacances » commencent… c’est une splendide piste cyclable le long du Rhône qui m’emmène doucement jusqu’à Saint-Maurice, puis Martigny.

C’est à Orsières que la réalité me rattrape… brutalement !!! La première ascension du voyage m’attend… Le Grand Saint-Bernard ! 40 km d’une grimpette à 5% de moyenne, avec quelques portions, dont le mur final, à 9%. Pas insurmontable, en temps normal, mais la remorque complique sérieusement l’ascension.

Le bras de levier exercé par la remorque sur la roue arrière allège la roue avant de mon vélo. A chaque coup de pédale je sens la roue avant se lever, m’obligeant à me pencher davantage sur le guidon pour compenser.

Les virages s’enchaînent (très) lentement, je compte les mètres. Après 24 km d’ascension, je suis rincé, j’ai les cuisses en feu… Je suis un peu au bout de ma vie . Ne pouvant plus appuyer sur les pédales, je décide de m’arrêter à Liddes pour la nuit, il est 20 heure.

Bonne première journée 98 kilomètres pour 1713 de D+, c’est maintenant l’heure des premiers constats…

# 1 – la remorque c’est vraiment le top pour la capacité de transport, mais les forces exercées sur la roue arrière compliquent un peu la tâche. Ramener du poids sur la roue avant semble une nécessité.

# 2 – rester humble quant aux distances et aux vitesses moyennes qu’il est possible de réaliser en cyclo-rando.

# 3 – trouver une solution légère et compact pour s’assoir en fin de journée.


2ème jour

Liddes / Pré-Saint-Didier (Italie)

Cette deuxième journée commence par une rencontre aussi inattendue qu’adorable. Au sortir de la tente, je tombe nez à nez avec un blaireau qui furète tranquillement. Loin d’être effrayé, il termine son tour avant de s’éloigner tranquillement.

La nuit n’a guère suffit pour reposer les jambes, les articulations et les muscles douloureux, j’ai un peu de mal à déplier les genoux… Mais j’ai signé, c’est pour en ch***.

Sans attendre, je range le matos et remonte en selle, direction le col du Grand Saint-Bernard. En guise de remise en jambe, je décide d’emprunter un chemin forestier qui serpente le long de la Dranse d’Entremont. Ces quelques kilomètres loin de la route et de son trafic sont une vrai bonheur.

Mais, les bonnes choses ayant une fin, je rejoins voitures et camions pour traverser les 6 kilomètres du paravalanche précédent le tunnel du Grand Saint-Bernard.
La montée est douce, entre 2 et 4%, mais le ballet incessant des voitures et des semi-remorques chargés de Maserati (… l’Italie n’est plus très loin…) transforme cette partie du voyage en enfer. La vue sur le barrage des Toules me fait un peu oublier ce calvaire.

Après 1 heure de lutte survie, je retrouve enfin l’air pur et la sécurité. Le gros du trafic s’engouffre dans le tunnel du Grand Saint-Bernard, abandonnant la route du col aux motards et aux cyclistes.

Après l’enfer de la circulation, débute l’enfer de la montée vers l’hospice du Grand Saint-Bernard. Une bavante à 9%, voir davantage, qui serpente sur 7 kilomètres tout au long de la Combe des Morts (… voilà qui est rassurant).
Un mur que j’aborde sereinement… pour l’instant.

Rapidement mon enthousiasme fait place à la résignation. La montée est longue, la pente sans répit, les virages s’enchainent inlassablement. Chaque mètre est gagné au prix d’un effort intense, à chaque coup de pédale mon vélo se cabre sous le poids de la remorque.

De mémoire de cycliste, je n’ai jamais été confronté à une telle torture. J’avance au mental, mètre après mètre, coup de pédale après coup de pédale.

Enfin l’hospice en est vu… la libération est proche, mais les cuisses refuses de me propulser. Ma fierté m’interdit de terminer en poussant le vélo. Au bord des larmes, je vais puiser dans mes dernières réserves pour atteindre le col.

Sous mes roues le Col du Grand Saint-Bernard. Put*** je l’ai fait, au prix de 5 heures d’effort !!! Je cède aux larmes !!!

(…)

Quelques minutes au col, un tour à la boutique de souvenir pour acheter un Saint-Bernard en peluche et je remonte en selle, direction l’Italie. Sans réfléchir je passe le bros braquet et tête dans le guidon, j’entame la descente vers Aoste. Mais c’était sans compter la présence de la remorque… le premier virage est un rappel à l’ordre immédiat !!! Le tout droit est évité de justesse…

La roue avant, allégé par le poids de la remorque, offre aussi peu d’adhérence que de contrôle des trajectoires. La sécurité avant tout, mais la mort dans l’âme, je tire un trait sur une descente « full speed ».

Descente du Grand Saint-Bernard versant italien

Passé Aoste, je prends la direction de La Thuile en longeant la rivière Dora Bàltea. Les paysages, tout en splendeur, sont une invitation à l’évasion.

La nuit approchant, je me mets en quête d’un endroit propice au Bivouac. Quelques kilomètres avant La Thuile, un petit chemin me fait de l’œil. Il me mène droit au bord de la rivière, loin du bruit de la route… le spot idéal pour passer la nuit.

Deuxième journée bien remplie… 77 kilomètres pour une joli 2118 de D+. L’un de mes constats d’hier soir se voit confirmer…

# 4 – alourdir l’avant du vélo est une obligation… une question de survie. Installer un porte bagage avant et une paire de sacoche semble approprié.


3ème jour

Pré-Saint-Didier / Les Chapieux (France)

Nuit compliquée… par fainéantise, ou peut-être par défis, j’avais commencé ma nuit à la belle étoile, mais l’humidité nocturne, du fait de la rivière à proximité, m’a réveillé vers 2 heure du matin, m’obligeant à monter la tente en mode survie.

Péripétie bien vite oubliée grâce à un petit déjeuné idyllique. Posé sur un rocher au bord de l’eau, je profite du soleil qui me réchauffe doucement.

Au programme du jour, le Petit Saint-Bernard et le retour en France par la Savoie.

8 heure, je remonte en selle et je m’attaque à la montée vers La Thuile, dernier village avant le Col du Petit Saint-Bernard et la frontière française.
La montée s’enchaine avec facilité, la pente est douce, la qualité de la route est idéale pour enchainer les kilomètres.

Tombant sous le charme d’une petite gouille aménagée en aire de picnic je m’arrête pour casser la croute. L’endroit est magnifique, les montagnes environnantes sont majestueuses, je me sens bien. Après l’enfer du Grand Saint-Bernard, voici le Paradis de son petit frère.

Mais la route est encore longue, il me reste un col à passer et j’aimerai également m’occuper du Cormet de Roselend.

Mais c’était sans compter sur un imprévu de taille… le vent !!!

Les derniers lacets et la ligne droite finale avant le Col du Petit Saint-Bernard se transforme encore une fois en enfer. Un fort vent de face, apparut de je ne sais où, me colle au bitume. Encore une fois je lutte pour avancer, petit braquet de force comme un malade pour gagner quelques mètres. De rage je hurle !!! La bataille est rude, je sais que je vais la remporter, mais je n’en sortirai pas indemne.

Enfin le Col, le vent est tombé, en même temps que la température. Malgré le soleil radieux, veste et bonnet sont les bienvenus.
Je m’arrête néanmoins pour m’imprégner de la quiétude du lieu. Les montagnes environnantes imposent le respect et me remettent gentiment à me place… Force est de constater que l’homme est bien peu de chose, un petit animal arrogant et irrespectueux de la Terre qui lui est prêtée.

La descente sur Bourg-Saint-Maurice est rapide (mais pas assez), les virages s’enchainent sans problème et m’emmène devant le deuxième problème du jour. La montée vers le Cormet de Roselend. La journée est bien entamée, je sais déjà que je ne pourrais pas le franchir aujourd’hui.

Bien reposé grâce à la descente du Petit Saint-Bernard, j’attaque l’ascension à bon rythme… Mais rapidement le Cormet me rappel à l’ordre avec une série d’épingle à cheveux à 9%. Les mollets en feu, je pose pied à terre et pousse le vélo quelques minutes pour décongestionner les muscles.

La journée est bien avancée, je décide de poser mon bivouac, quelques kilomètre plus loin, à proximité des Chapieux.

Troisième journée bien violente encore une fois, faible kilométrage, seulement 61 kilomètres, mais avec un très honorable 2325 mètres de D+.

Pas de bilan, ni de constat aujourd’hui… juste une envie de m’abandonner aux bras de Morphée.


4ème jour

Les Chapieux / Evires

La météo n’est pas très clémentes ce matin, ciel gris, température de 7°. Il me faut néanmoins prendre la route au plus vite si je veux arriver à Thonon ce soir. Il reste 150 kilomètres à parcourir, mais hormis la fin du Cormet de Roselend, l’itinéraire est vallonné, donc rien d’impossible.

7 heure, je monte en selle pour affronter les 10 derniers kilomètres du Cormet. Après un kilomètre de mise en jambe à « plat », les choses sérieuses commences avec une moyenne de 7% et quelques passages frôlant les 10. Je m’élève lentement, le regard fixé sur la route à défaut de pouvoir profiter d’un panorama bouché par les nuages.

10h je bascule enfin de l’autre côté de la vallée. Ce fût cette fois encore une belle bavante et encore une fois une magnifique descente dont je ne pourrai pas profiter pleinement…

La météo est définitivement pas au rendez-vous pour cette ascension. Plafond nuageux bas, température proche de 0°… Heureusement que c’est la fin juin. Sans attendre, je m’attaque à la descente qui m’emmènera au barrage de Roselend dans une premier temps, puis jusqu’à Albertville ou je récupèrerai la piste cyclable menant à Annecy.

Malgré la météo déplorable, le barrage de Roselend laisse entrevoir une invitation à l’évasion. Le cadre est magnifique… rendez-vous est pris, il faudra que je revienne, d’une manière ou d’une autre !

A partir de Faverge, j’ai le plaisir de retrouver le soleil, qui m’accompagnera jusqu’à Annecy, que je traverse à 17h00. Ma prévision de rejoindre Thonon ce soir est tombé à l’eau. J’hésite poser dans un camping au bord du lac pour passer la nuit et finalement, je continu ma route.

Dans la montée du col d’Evires, la météo se dégrade de nouveaux, mais cette fois c’est la pluie qui refait son apparition, par chance, ce n’est qu’une ondée passagère, je peux rapidement reprendre la route, avant que ce soit la nuit qui me rattrape. J’ai peut-être poussé le bouchon un peu loin en voulant tracer ma route, la nuit rend difficile la recherche d’un coin pour poser la tente. Pris au dépourvu, je m’installe sur une aire de picnic surplombant La Roche sur Foron. Je ne suis pas serein de dormir ici, mais je n’ai pas d’autre alternative.

La journée fût longue avec 113 kilomètres au compteur, pour 2088 mètres de D+.

Le constat du jour…

# 5 – savoir s’arrêter à temps pour ne pas à avoir chercher un bivouac de nuit.


5eme jour

Evires / Thonon

Contre toute attente, la nuit fût plutôt bonne. Au calme, malgré les quelques véhicules qui sont passés à proximité.

Il me reste une quarantaine de kilomètres avant d’arriver à Thonon. Sans trainer je remonte en selle, après 5 jours sur les routes, je n’ai qu’une envie… Manger les filets de perche avec ma Chérie au bord du Lac Léman.

La descente sur La Roche sur Foron ne pose pas de problème, c’est roue libre… C’est dès qu’il faut tourner les jambes que les choses de compliques. Une forte douleur au genoux apparait. De toute évidence, j’ai atteint mes limites mécaniques. Une stop dans une pharmacie s’impose !

Après un p’tit cachet et une bonne tartine de crème anti-douleur, le genoux se fait moins sentir, me permettant d’avaler les derniers kilomètres sans encombre et à bonne vitesse…

Timing parfait, je suis pile à midi pour le resto au bord du lac !!!

J’adore quand un plan se déroule sans accroc 😀

Promenade de santé pour ce dernier jour, seulement 46 kilomètres et tout juste 363 mètres de D+.


Conclusion

Une première expérience du cyclo-voyage est réussite (presque) totale, en tout cas hyper motivante, et ce malgré le calvaire du Grand Saint-Bernard. Il me faut maintenant un tirer les bons enseignements.
Mais une chose est certaine, je suis gonflé à bloc pour mon prochain voyage… la Grande Route des Alpes, au printemps de l’année prochaine.

D’ici là, il faut que j’adapte mon vélo aux contraintes du cycle-tourisme, et surtout à ma façon de voyager (remorque). Mettre du poids sur la roue avant est indispensable pour le confort en montée et la sécurité en descente.


Il faut aussi que j’optimise le confort lors du bivouac. Je dois trouver un moyen léger et peu encombrant me permettant de m’assoir pour manger, me détendre et récupérer de la fatigue de la journée. Peut-être un tabouret de camping pliable.

Je ne connais qu’une adresse ou je puisse trouver mon bonheur… le rayon camping du Vieux Campeur.