La Route des Grandes Alpes

La Route des Grandes Alpes

28 août 2022 0 Par StephOnABike

Pourquoi la RGA ???

Aussi loin que je m’en souvienne, c’est à dire mon adolescence, période ou je passais la majorité de mon temps libre sur un vélo, j’ai toujours été attiré par cet itinéraire.
Il représentait le Saint Graal, la consécration ultime pour tous cyclistes. Mais le projet me semblait alors irréalisable… Pharaonique !

Il m’aura fallut pas moins de 25 ans pour oser m’y frotter… la réalisation d’un rêve.

Préparation

La préparation de l’itinéraire ne pose guère de problème, la RGA est grand classique, bénéficiant d’un bon balisage routier. Je veux néanmoins étudier le parcours et préparer mes étapes.

Pour ce faire, il n’y a qu’une seule adresse ou je suis certain de dégotter toutes les infos recherchées… direction « Au Vieux Campeur » !

Non seulement je reviens avec quelques cartes IGN au 100 et 200.000°, mais en plus j’ai dégotté un VTopo sur « La route des grandes alpes » à vélo.

La réalisation du tracé ce fait sur carte, mais également sur le logiciel « Base Camp » de Garmin afin d’obtenir un profil altimétrique et un tracé .gpx à charger dans mon GPS.

Le choix du matériel, en revanche, nécessite un peu plus de réflexion. M’appuyant sur mon premier voyage, j’y vois un peu plus clair. Toutefois, ce n’est pas pour 5 jours, mais pour un peu plus de 3 semaines que je prends la route… toujours en autonomie.
Le matériel nécessaire est donc plus conséquent, d’autant plus que j’emporte davantage de matos photo cette fois, complété d’un ordi portable afin de pouvoir alimenter un blog.

Je procède également à quelques ajustements de mon vélo suite à ma première expérience. Un porte bagage avant et une paire de sacoches sont rajoutés. J’avais vraiment été pénalisé à la montée et frustré… à la descente. Rajouter du poids sur la roue avant me permet d’être plus stable et surtout plus rapide en descente. Quite à en baver à la monter, autant prendre du plaisir à la descente 😉 🙂 🙂

Par ailleurs, afin d’optimiser le roulement, je décide, sur un coup de tête, de remplacer les roues de 26″ par une paire de Crossmax de 27,5″, chaussée de l’incontournable Schwalbe Marathon.
Le pari est un peu fou… car je n’ai aucune certitude que ces nouvelles roues passent en hauteur dans la fourche 😮

C’est au centimètre près que ça passe !!! Un test sur route dans les hauteurs du Chablais me confirme mes espoirs. Le rendement de mon vélo s’en voit amélioré bien au delà de mes espérances.

J’ai également investi dans une vache à eau de 6 litres, qui trouvera sa place sur la remorque. Encore du poids, mais indispensable !!!

Côté organisation, tout l’alimentaire sera rangé dans les sacoches avant, toute la partie bivouac étant dans la remorque. Le matos photos sera directement accessible grâce à la sacoche de guidon.

1er jour – Thonon ~ Le Reposoir

Les Gets – col de Chatîllon/Cluses (73 km, D+ 1330 m)

C’est au kilomètre Zéro, place de la Mairie de Thonon-les-bains, que je prends officiellement le départ de la Route des Grandes Alpes.

Posé devant la plaque commémorative de la RGA, je suis impatient de prendre la route, mais je savoure néanmoins cet instant.

Sortie de Thonon, la remontée de la Dranse est sans surprise, toujours autant de camions et de voitures qui frôlent les fesses. C’est à l’approche des Gorges du Pont du Diable que les choses se corsent, avec le premier coup de cul. Le cardio monte instantanément, les cuisses souffrent… le ton est donnée pour le reste du voyage.

Le gros morceaux du jour, c’est la montée des Gets, pas forcément difficile, mais les 25 kilos en remorque me tirent vers mon point de départ.

La sentence est effectivement immédiate, la montée est lente… petit braquet et en avant ! C’est lentement qu’il me faudra avancer si je veux aller au bout.

Le village des Gets est une ville fantôme à cette époque de l’année. Les préparatifs vont bon train pour la saison estivale. Une pump track, fraichement installée pour le plus grand plaisir des VTTistes Freeriders m’appelle… la tentation est grande, mais l’idée d’une chute et d’une blessure me rappel à l’ordre…

Sans m’arrêter, j’enchaine la descente vers Taninges… avec une vue magnifique vue sur la vallée.

Voici venir Cluses, ville sans surprise… si ce n’est cette piste cyclable qui longe l’Arve pendant quelques kilomètres, loin des voitures.
Mon objectif pour cette première journée était de 70 km… j’en suis à 65, j’ai encore un peu de cuisses je m’attaque à la montée du Col de la Colombière.

L’orage qui menaçait depuis une heure à finalement décidé d’éclater. C’est donc sous la pluie que j’entame cette ascension qui attaque sur un 14%… Je mets pied à terre, avale mon orgueil et pousse pendant quelques longues centaines de mètre.

La pente se calme un peu, la pluie aussi… je remonte en selle, mais rapidement les jambes refusent de me propulser plus loin. Un petit dégagement à quelques kilomètres du Reposoir fera office de bivouac pour la nuit.

Première journée difficile, la mise en jambe a été un peu brutale. Une bonne nuit de repos s’impose.


2ème jour – Le Reposoir ~ Notre-Dame-de-Bellecombe

col de la Colombière, col des Aravis(54 km, D+ 1675 m)

La nuit agitée, la pluie m’a laissé tranquille, les cuisses non !

Morceau de choix aujourd’hui… Col de la Colombière. Le redémarrage se fait en douceur, une pente de 3% sur un kilomètre, peut-être deux… que je regrette de ne pas avoir fait hier soir 🙁

En effet, cette pente douce m’amène au « Reposoir », village niché au coeur d’un écrin de nature exceptionnel. En prenant un peu de hauteur, je découvre un paysage digne du Tyrol. Un joyau de verdure surplombé de montagnes séculaires.

Malheureusement, tout repos à une fin, voici l’ascension finale qui pointe son nez. Un mur de 7 kilomètres qui annonce 7% pour commencer… 8%… 10%… arghhhhhhh… 11% sur la dernière ligne droite.

J’ai les jambes en coton, je zigzague d’un bord à l’autre de la route pour supporter la pente. Enfin le Col de la Colombière. La vue est magnifique, je m’arrête de très longues minutes pour profiter de cet instant de plénitude… et de fierté… c’est quand même la Colombière que je viens de décrocher.

Définitivement, ce qui se gagne à la force du mollet à une saveur bien particulière.

La descente est (très) rapide. L’équilibre du vélo est parfaite, le stabilité exceptionnelle. Je m’offre le luxe de doubler un 4×4.

C’est jour de marché à Saint Jean de Sixt, j’en profite pour remplir mes sacoches de Beaufort et de saucisson fumée. Faire un peu de gras ne devrait pas être pénalisant 🙂 Arrivé à la Clusaz, je ne résiste pas à l’envie de goutter ce Beaufort, avant d’entamer les premiers mètres du Col des Aravis, deuxième col de la Journée.

Ce n’est pas un très gros morceau, le col des Aravis… pas le Beaufort… mais j’ai les jambes déjà bien lourdes, auquel s’ajoute un soleil de plomb (sans aucun arbre pour s’abriter…). Je m’imagine telle un poulet dans un rôtissoire. Aucun nuage à l’horizon, juste des virages qui s’enchainent… je « m’amuse » à les compter pour passer le temps et oublier ma condition !

Le Col « enfin »… envie d’une bière (si, si, le houblon c’est très bon pour la récupération… parait-il), mais ce n’est pas forcément la boisson la plus adaptée par une telle journée, d’autant plus que j’ai encore quelques kilomètres (et une grosse descente… non, pas de bière) qui m’attendent.

Je retrouve mon frère au col, qui bosse ici depuis quelques mois sur l’installation électrique d’un hôtel consumé par les flammes il y a un ou deux ans et ressortit de terre à l’automne dernier. Une petite heure de pause en sa compagnie et je repars sur les routes de la Giettaz direction le Col des Saisies.

Une descente revigorante m’amène à Flumet, quelques courses en prévision du soir et me voilà de nouveaux en selle à la recherche d’un coin pour poser la tente pour la nuit. Mais voilà, pas simple de trouver le coin adapté à mes attentes… un coin calme, avec une rivière et pas trop loin de la route… si je peux éviter les détours !!!

Après presque deux heures à pédaler (et un peu pousser… c’est bon pour décongestionner les mollets… cqfd) je trouve enfin mon bonheur, mais j’angoisse déjà pour le lendemain. Une courte, mais très raide pente m’attends en guise de petit déjeuné.

Une belle, mais petite (53 km) étape aujourd’hui ! Lors de la préparation du voyage, je m’étais fixé 70 km/jour. Cela me semblait tout à fait raisonnable. Je commence à me demander si je n’ai pas sur-estimé mes capacités. Ce n’est que le deuxième jour, on verra bien par la suite.

Pour l’instant… dodo !


3ème jour – Notre-Dame-de-Bellecombe ~ Bourg-Saint-Maurice

Col des Saisies, Cormet de Roselend (64 km, D+ 1729 m)

C’est sur un pont que j’ai dormis (eh oui, habituellement c’est dessous… mais j’ai mon style).

J’ai dû prendre un coup de chaud hier, la nuit n’a pas été de tout repos. Je me suis glissé dans le duvet avec un mal de tête, des nausées et des bouffées de chaleur. Il est peut-être nécessaire de repenser le protocole quant au déroulement de la journée. Se lever et commencer à rouler tôt, pour profiter de la fraicheur… faire une sieste, ou en tout cas, se mettre au frais, entre 13 et 16 heure, puis retour sur les routes jusqu’à 20 heure.

Et ou en suis-je dans mon voyage, à l’aube de ce troisième jour ?

C’est donc tôt ce matin que je prends la route. Autant mon pont était accueillant pour la nuit, autant il
ne l’est pas pour le petit déjeuné… le soleil n’est pas prêt de le réchauffer… Aussi, à 7h30, je trace la
route et je confirme mes craintes de hier soir. Les 200 mètres pour rejoindre la route me donnent du fil
à retordre, trop raide pour être fait en vélo et trop glissant pour être fait en poussant.

Enfin sur la route, je pars à la recherche d’un petit coin sympa pour déjeuner… (je dois être maudit…)
mais rien ne se présente à moi, il y a bien quelques jardins, fraîchement tondus, mais je ne suis pas
certain que l’idée plaise aux propriétaires. C’est finalement, tel le touriste de base que je pose mes fesses sur une aire de chaînage… Comme de bien entendu, une fois remonté sur selle, je trouve quelques centaines de mètres plus loin un petit coin bien plus agréable. Autant m’y habituer, ce sera ainsi pendant les trois semaines à venir…

La montée sur les Saisies est sans souci, pas très long, pas très raide, la vue est magnifique. Le col des Saisies quant à lui est… bof ! Encore une station de ski en inter saison.

Un bref arrêt et j’entame la descente sur Beaufort (son merveilleux et goûteux fromage…), c’est surtout la montée sur le barrage de Roselend et le Cormet qui vont être goûteux… Déjà grimpé l’an dernier depuis Bourg-Saint-Maurice, il m’avait laissé un souvenir terrible. Je ne suis pas très confiant…

A Beaufort, je n’y passerais pas finalement. Un petit détour me conduit sur la route de Hauteluce, grâce à une magnifique route, offrant une vue sur le Massif montagneux environnant à vous couper le souffle. Arrivé au pied ce la montée du Cormet, je croise une équipe cycliste pro espagnole, on échange quelques mots rapidement, ils semblent être pressé… contrairement à moi.

Les premiers kilomètres de montée ne posent pas de difficulté majeur. Pente régulière, pas trop raide et bien ombragé. Les cyclistes me doublent les uns après les autres… j’ai l’impression d’être un escargot, avec ma maison sur le dos, ce qui en soit, est à moitié vrai !
Arghhh, il y en a même un qui me double en me filmant à avec sa GoPro… trop tard, il est déjà loin pour lui demander son adresse @… dommage ça m’aurait fait un souvenir !

Une aire de picnic m’invite à la sieste… la rivière à proximité m’offre de quoi me rafraîchir. En guise de repas ce sera des pâtes (merci Julie), moi qui rêvais d’une pizza depuis quelques kilomètres !

16 heure… je reprends la route, le Cormet est encore loin… pour un escargot 🙂

Malgré l’heure avancée de la journée, il fait encore chaud, très chaud, le retour à la réalité est plutôt brutal… Mais je n’ai pas d’autre choix que d’avancer si je veux avaler le Cormet dans la journée.
A un kilomètre du barrage de Roselend, l’orage qui gronde depuis une heure se décide enfin à éclater, un peu de fraicheur ne nuira point. A peine le temps d’enfiler ma Gore que le pluie s’arrête déjà. La chaleur est encore étouffante, sans autre alternative, j’avance, centimètre après centimètre…

19h30, j’arrive finalement au barrage… ultime étape avant l’ascension du Cormet. La journée est bien avancé, les cuisses bien chargée… mais je m’offre néanmoins quelques kilomètres supplémentaires, pour découvrir le barrage et profiter de ce magnifique panorama. Les montagnes, majestueuses, surplombent l’eau turquoise du barrage.

Mais celui-ci n’est qu’une étape, le Cormet, qui pour le moment est encore loinnnnnnnnnn, est la finalité !

Mais pour le moment, faim et fatigue me tiraillent… J’ai bien l’intention de franchir le Cormet aujourd’hui, mais il me faut manger pour espérer en arriver à bout !

N’ayant pas envie de cuisiner, je m’installe sur la terrasse d’un bar dominant le barrage. Je compte sur la gastronomie locale pour satisfaire à ma faim pantagruélique. Ce sera une énorme omelette au beaufort, accompagnée de sa traditionnelle verdure… il ne me semble pas avoir jamais pris autant de plaisir à manger salade et tomate ! A croire que l’altitude sublime les goûts…

Après cette merveilleuse pause d’un petite heure, mes batteries rechargées, la température aillant descendu de quelques bon degrés, je reprends la route direction le Cormet de Roselend… il est 20h15.

La dernière partie de l’ascension est déconcertante de facilité, motos et voitures ont quittés la place. Les premiers lacets sont avalés tranquillement, le « replat » passe inaperçu et m’emmène directement sur les derniers virages de l’ascension.

Je me retourne pour voir d’ou je viens et découvre un spectacle digne des Highlands écossaises, ou tout du moins de l’image que je m’en fais.

Le temps d’immortaliser le scène et j’attaque le ressaut final du Cormet.

21h30 je passe le sommet… je suis à peine fatigué 🙂

Je prends le temps de faire quelques photos et de laisser aller mon imagination ! Il me reste encore un peu de cuisse, je vais quelques aller/retour en vélo pour m’immortaliser en descente.

Descente nocturne sur Les Chapieux

La journée est maintenant bien avancée, le soleil a tiré sa révérence. J’entame la descente. Toutes lumières allumées je file à bonne vitesse direction les Chapieux (étape incontournable du TMB, entendez par la Tour du Mont Blanc et du GR5, la route des Alpes à pied). Presque 15 km de descente en mode nocturne… J’espère ne pas croiser d’animaux sur la route, à une moyenne de 40km/h, la rencontre serait fatale et sans appel !

J’envisageais de planter ma tente à proximité des ruines du « Grand hôtel des thermes » de Bonneval les Bains, un hôtel construit durant les années 40, inachevé à cause de la Guerre et resté en l’état depuis. Il est 23h00 quand j’arrive sur place, l’aspect fantomatique du vieille hôtel m’impressionne… il y a un je ne sais quoi qui me rappel les films d’horreur que j’adorais adolescent… Je fais néanmoins une visite nocturne de l’édifice, pas âme qui vive (… mais quant est-il de celles qui ne vivent plus ???). Pas enthousiasme pour un rond, je décide de remonter sur mon vélo et de faire quelques kilomètres supplémentaires, sachant ou dormir sereinement.

Il est 00h00, on est déjà demain… je m’endors .


4ème jour – Bourg-Saint-Maurice ~ Le Villardon

col de l’Iseran (72 km / D+ 2100 m)

Gros morceaux aujourd’hui… le premier col plus de 2000… qui sera même le plus haut de mon voyage… le Col de l’Iseran !

Les trois premiers jours m’ont permis de voir un peu plus clair dans mon organisation, je dois me rendre à l’évidence, je suis parti beaucoup trop chargé.
Une partie du matériel est, non pas inutile, mais tout simplement superflue.

Arrivé à Bourg-Saint-Maurice, je prends d’assaut La poste.
En vrac sur le trottoir, je déballe et trie mon matériel. Je suis sans pitié, je ne garde « que » l’indispensable… me débarrassant même d’une partie du matériel photo.

C’est trois kilos de matériel que je confie au bon soin de La poste. Je sais déjà que je vais regretter à un moment ou à un autre au moins un de mes choix. Mais pour le moment, ma seule préoccupation est d’alléger la remorque.

La montée du Col de l’Iseran (2764m) commence dès la sortie de Bourg, c’est 42 km de transpiration qui m’attendent.

Premier virage de la montée de Val d’Isère… pas encore gouté à la réalité !!!

Cette route, je la connais bien pour être monté de nombreuses fois skier tantôt à Tignes, tantôt à Val d’Isère… enfin, avec le recul, je croyais la connaitre. Il faut bien admettre que la perception d’une route est totalement différente que l’on soit en voiture ou en vélo.
Dans mon esprit, une fois passé les premiers lacets vers Sainte-Foy-en-Tarentaise, c’était rando jusqu’au lac du Chevril.

Mais que nenni… passé les fameux premiers lacets passés, je m’aperçois que ce n’est rien en comparaison de ce qui m’attends. La montée sur le lac est horrible de longueur et de pente, pas un instant de repos, la pente n’est pas excessive, mais cette route n’offre aucun répit. Une trentaine de kilomètre de montée, sous une chaleur accablante.

J’ai bien cru mourir (au sens propre…) dans cette interminable montée vers Val d’Isère.

Cette très grosse matinée d’effort et de souffrance me conduit (très) lentement au lac du Chevril. Doucement, la pente s’inverse (à peine) et me conduit jusqu’à la Dame du Lac ou je m’arrête quelques longues minutes pour reprendre mes esprits et mon souffle.

La température baisse, le soleil se voile. Un orage est en préparation sur la Vanoise. Le reste de la journée risque d’être humide.

Les quelques kilomètres me séparant de Val d’Isère sont une formalité. Une fois de plus, je traverse un village fantôme. Les préparations pour l’été vont bon train. Trouver un restaurant ouvert pour se restaurer relève de la gageur. Finalement je trouve un bar pour engloutir un croc monsieur et un coca. Ce n’est pas très diététique, je vous l’accorde, mais j’ai besoin de calories. De toute façon, elles ne vont pas faire long feu. Pendant ce temps, l’orage qui se préparait sur la Vanoise se déverse sur Val d’Isère et le Col de l’Iseran.

Il est 16 heures, la pluie est loin, la température a baissée. Je me lance à l’assaut du Col de l’Iseran, rapidement je me retrouve ne nage.

Seul sur la route est, une fois de plus, je m’enfonce progressivement tout au fond de cette vallée. La route grimpe doucement, la remise en jambe ce fait tranquillement. Une marmotte traverse la route en courant devant moi, j’entends siffler tout au tour. Levant la tête, je me retrouve entouré de dizaines de marmottes. Il en sera ainsi quasiment jusqu’au sommet.

La montée s’incline un petit peu plus, je change de vitesse. A mon rythme, doucement je grimpe, sans difficulté. Je suis surpris de la facilité avec laquelle je progresse. Moi qui ai cru crever sur le bas côté dans la montée de Val d’Isère… il y a de quoi se poser des questions ! Est-ce le coca qui m’a donné la pêche ???

Les deux derniers kilomètres me plus donnent de fil à retordre, je vois le sommet, mais il semble ne pas se rapprocher. Le froid se fait sentir, la route se trace un chemin dans des murs de neige, toujours en tee-shirt, trempé de transpiration, je n’arrive pas à me décider à enfiler ma Gore, préférant la garder sèche pour la descente.

Craquage de plomb dans la montée de l’Iseran

20h00… enfin le sommet. Il m’aura fallut 4 heures pour venir à bout de l’ascension finale du Col de l’Iseran, une journée complète pour avaler les 50 kilomètres depuis Bourg-Saint-Maurice.

La météo à bien changée depuis ce matin. Il fait très froid, il y a un fort vent, je suis trempé de sueur. A cette heure de la journée, la boutique du col est fermé, rien pour s’abriter, ni pour se changer.
Je n’ai guerre d’autre choix que de me changer derrière le panneau du col, à l’abri (tout est très relatif) du vent. Le froid me saisit, mais quelques instants plus tard, je suis au sec et au chaud dans ma micro doudoune, prêt à entamer la descente.

Le temps d’immortaliser l’instant par quelques photos et je remonte en selle direction de Modane, via Bonnevale sur Arc.

Les paysages m’accompagnant tout au long de la descente sont grandioes. La route, de bonne qualité, me permet très rapidement d’atteindre les 60 km/h et même d’approcher les 70… Ce n’est pas très prudent, surtout avec une remorque bien chargée ne attelage… mais le plus grand plaisir de la montée, c’est la descente… 🙂

Arrivée à Bonneval-sur-Arc, c’est un faux plat descendant qui m’entraine vers Le Villardon ou je décide passer la nuit aux cotés des quelques camping cars.

Une journée à deux visages, mais couronnée par un merveilleux col… l’Iseran. Je viens d’accrocher le plus haut Col des Alpes à mon palmarès, 2770m d’altitude, et ce de la plus belle manière qui soit.

Sur ce… bonne nuit !


5ème jour – le Villardon ~ Valloire

col de la Madeleine, col du Télégraphe (73 km, D+ 1223 m)

Nuit réparatrice… terrain plat, pas un bruit.. à part peut-être le propriétaire du camping car voisin qui regardait un match de la coupe du Monde. Au réveil, une météo splendide m’attend, le panorama est magnifique. Une vue exceptionnelle sur la Pointe de Charbonnel (3752 m) et son glacier me laisse pantois.

Il faut parfois peu de chose pour se sentir à sa place… ce qui est mon cas en ce Vendredi 13… Le petit déjeuné s’éternise un peu, le rangement du matériel également. Je ne suis pas pressé de prendre la route ce matin, ce coin incite à la rêverie.

Malheureusement, quelques kilomètres m’attendent avant de rejoindre le Grand Bleu, qui me semble encore si loin, inaccessible. Finalement, je remonte en selle et prends la direction de Modane.

Une rapide lecture de carte et du GPS me laisse présager d’une première partie de journée en descente.

Après quelques kilomètre de faux plat descendant, la pente s’inverse progressivement. Voici quelques longues minutes que je grimpe, et d’aussi loin que je puisse voir, c’est ainsi !!!

Soudain, au détour d’un virage, un panneau indique « Col de la Madeleine »… je m’arrête, davantage par surprise que pour reprendre mon souffle.

Très dubitatif, je sors la carte pour vérifier… je suis bien sur le Col de la Madelein… mais pas sur LE Col de la Madeleine.

Il existe deux Cols de la Madeleine… l’un sur cette route… et l’autre… le Vrai Col de la Madeleine, qui se trouve être une alternative à la Route des Grandes Alpes, qui relie Moûtiers à Saint-Jean-de-Maurienne. Alternative qui était mon itinéraire de replis au cas ou l’Iseran n’aurait pas été praticable.

Cette question de culture générale étant rectifiée, je reprends la route direction Modane. Le profil s’inverse, je vile à toute vitesse… je double un 4×4, puis un second.

Malheureusement, je me prends un vent de face qui se renforce progressivement. Malgré la descente, je suis obligé de pédaler pour atteindre le 20 km/h. Fatigué par cet exercice de style, je m’arrête pour manger. Le vent quant à lui ne s’arrête pas et est rejoint par la pluie. Le reste de l’après-midi sera une fuite en avant dans l’espoir de distancer l’orage que me gronde aux fesses.

Voici enfin St-Michel-de-Maurienne et le Télégraphe… Le mur que je vois devant moi me fait peur. Il y a des cols ou l’on voit la route s’élever, mais là… il n’y a rien… une falaise… aucune trace de route !
La réputation du Télégraphe me faisait peur… maintenant, je suis effrayé !!!

C’est lentement, avec résignation que je m’attaque à cette ascension mythique du Tour de France. Les kilomètres déroulent tranquillement sous mes coups de pédales. Bizarrement, je suis bien, je monte sans effort. Cette montée s’accompagne du bruit incessant des motos. Des dizaines, des centaines de motos qui montent (et qui descendent), parfois solitaire, parfois en meute hurlante. Trois heures de montée dans un bruit assourdissant.

Et puis enfin c’est le sommet. Il est de nouveau 20h00…

Finalement, je l’ai franchit sans encombre, sans mourir. Je suis surpris de la relative facilité avec laquelle j’ai passé le Col de l’Iseran hier, mais je m’aperçois qu’aujourd’hui encore, le Télégraphe a été enchainé sans difficulté. C’est une bonne bavante, elle fait mal aux cuisses par moment… mais… rien d’insurmontable.

La descente sur Valloire est plaisante, rapide. Arrivé à la station village, je comprends le pourquoi des motos en si grande quantité. Le village accueil un rassemblement de motards pour le week-end. Des motards partout, des centaines, des milliers ??? Du bruit, des concerts, des moteurs qui hurlent… c’est trop pour moi.

Solitaire par nature… sur la Routes des Grandes Alpes tout seul… je n’ai aucune envie d’affronter cette foule. La journée est bien avancée, mais je décide néanmoins de mettre le plus de distance entre cette foule et moi. Aussi, je prends la direction du Col du Galibier… vais-je le monter de nuit ? Option intéressante, mais la journée à été longue et éprouvante.

Je plante ma tente à 14km du Col… Vivement demain !!!


6ème jour – Valloire ~ St-Clément/Durance

col du Galibier, col d’Izoard (108 km, D+ 2294 m)

La météo est plutôt incertaine en ce début de sixième jour. Les montagnes alentours, dont le Galibier, progressivement se chargent de nuages, ce qui n’augure rien de bon.

A l’image de la météo, je ne suis pas au mieux de ma forme ce matin. La fatigue accumulée commence à se faire sentir… les jambes son lourdes, les genoux tirent sévères…

6ème jour, la fatigue se fait déjà sentir

Un sérieux coup de pied au c.. me remet finalement en selle. L’ascension reprend par une pente douce, idéal pour se chauffer les cuisses et remettre les genoux en mouvement. C’est une presque ligne droite qui m’emmène jusqu’au dernier repos avant d’attaquer les choses sérieuses.

Jusque là tout va bien, je décide néanmoins de m’offrir une petite pause sucre et bulles avant d’attaquer les choses sérieuses.

La montée du Galibier se fait en deux temps. Une première série de lacets qui conduit sur un pseudo plateaux, absolument pas plat, mais tout à fait acceptable comme (relatif) repos, avant d’attaquer l’assaut final. La première partie de l’ascension passe comme une lettre à la poste (juste un poil trop grosse pour rentrer dans la boite à lettre)… la seconde partie est rude, interminable. La météo c’est bien dégradée, une pluie fine à fait son apparition et la température à bien chutée.

Le sommet est encore à quelques kilomètres, je souffre, les points de repos sont rares, voir inexistants, impossible de souffler. Je prends tous les virages sur l’extérieur, les coupants le plus haut possible pour avoir quelques secondes de plats. Ça fait du bien aux jambes, mais la reprise de l’effort est immédiat, brutale.

À trois ou quatre lacets du col des photographes sont là… ils immortalisent ma souffrance. J’espère que la photo sera bonne… je n’ai guerre pris le temps de m’arrêter et d’installer le matos pour faire des auto-portraits.

Enfin la dernière ligne droite, un cycliste se portent à mon niveau, on échange quelques mots et le voilà qui s’envole vers le col. J’ai l’impression d’être à l’arrêt.

Après l’Iseran, c’est le Galibier, avec ces 2642m d’altitude que j’accroche à mon palmarès. J’aimerai profiter de la vue, souffler quelques instants, mais le mauvais temps et le froid sont de la partie. Une photos souvenir et je plonge direction Briançon.

La descente va vite, très vite, la route est mouillée. Une grande ligne droite me permet d’atteindre et de dépasser officiellement les 70 km/h. Malgré la vitesse je vois tout ce qui se passe autour de moi. Les marmottes, surprises n’ont pas le temps de filer se cacher, deux Niverolles Alpines zigzag de longues secondes devant moi en tentant de fuir.

Je vois arriver le Col du Lauraret à vitesse supersonique, je le passe à plus de 50 km/h, ce sera mon record personnel 🙂

Aucune gloire dans ce col, il y a trois routes pour l’atteindre, une depuis Briançon, une depuis la Grave, ces deux là étant en montée et la troisième en descente depuis le Galibier. Peu importe, je l’ai fait !!!

La descente sur Briançon est longue, rapide, ponctuée de petit plat. J’arrive trop tard pour trouver un resto ouvert, je n’ai pas le courage de me faire à manger, c’est au Mc (beurk) Do que je décide de m’arrêter. La journée est bien avancée, mais la météo est toujours aussi instable. La ville de Briançon ne m’interpèle guère en ce dimanche. Tout est fermé.

Je décide de reprendre la route et pourquoi pas d’atteindre mon prochain but… le Col d’Izoard.

La météo empire, néanmoins je poursuis mon chemin… un cyclo-campeur abrité sous un abri bus me donne à réfléchir… Peut-être est-ce la bonne solution, mais le sommet n’est plus très loin, les jambes vont bien, le rythme est bon, la courbe de dénivelé de l’Izoard n’est pas effrayante, pas de grosse pente… je me lance !

La monté se fait sous une pluie fine. J’enfile ma Gore et laisse les jambes à l’air. Les virages sont amples, la route est de bonne qualité, les kilomètres défilent vite, régulièrement. Je suis déçu que la météo ne soit pas au rendez-vous, le paysage semble sublime, j’imagine déjà les odeurs méditerranéennes dans cette ascension. La végétation a changée, c’est un avant goût des Alpes du Sud.

Les deux derniers kilomètres sont long, la pente n’est pas raide, mais le Galibier se fait sentir… la distance aussi, je m’approche doucement des 100 km depuis ce matin. 19h30… l’Izoard est enfin mien, sous une météo exécrable… froid, pluie…manque plus que le neige.

Rapidement je me change et entame la descente au sec et au chaud. Celle-ci me fait découvrir la Casse Déserte, un paysage lunaire, qui même sous un temps déplorable reste un endroit magique… suis-je encore sur la Terre ?

Rapidement je rejoins les gorges de la Durance. Le vent c’est levé, mais par chance, il joue en ma faveur, me poussant jusqu’à Guillestre. Je réalise un record de vitesse filant à une moyenne de 45 km/h malgré une pente oscillant entre 3 et 4%.

Il est 21h00 quand j’arrive à Gillestre. Fatigué, j’ai envie de m’assoir à une table et manger un vrai repas. Premier restaurant que je trouve me semble bien… mais là c’est le drame… lorsque je demande de manger en terrasse, histoire d’avoir un oeil sur mon vélo, la patronne me réponds, hors de question, il fait trop froid… CONNASSE !!! Je viens de passer deux cols avec des températures proche de 4°, et on me pète les cou****** alors qu’il fait 17°. Ce sera une pizza à emporter au grand air sur la place du village !

La nuit est tombée, je dois rapidement trouver un coin pour dormir, mais de nuit ce n’est pas chose aisée. J’allume toutes mes lumières et je file sur la nationales menant en direction d’Embrun. Des gros, très gros poids lourds me frôlent… s’arrêter devient vitale. Je m’enfile sur un chemin de terre pour éviter d’être réduit en galette et par chance je débouche sur un stade d’entrainement d’eau vive sur la Durance. Le coin est calme, plat, je monte la tente en toute hâte et sombre dans les bras de Morphée.


7ème jour – St Clément/Durance ~ Savines le lac

pas de col (25 km, D+ 275 m)

Aujourd’hui… repos !!!

Il est 5h30, très rapidement, je reconditionne mon matériel et part en quête de quoi faire un petit déjeuné… j’ai envie d’un jus de fruit et d’un petit pain. Me voici sur la route le ventre vide. Embrun est à plus d’une heure de route et il n’y a que deux villages d’ici là.

Le premier village, il faut grimper pour l’atteindre, j’ai une flemme monumentale, je fais l’impasse. le deuxième n’est pas bien loin, d’ailleurs, m’y voici déjà. Je me mets en quête de la boulangerie, que je trouve en plein centre du village… mais malheureusement FERMÉE !!!!

Il ne me reste plus qu’à traîner mes pneus jusqu’à Embrun. La faim commence à me tordre l’estomac, j’ai bien ce qu’il faut dans mes sacoches pour manger, mais je n’ai pas le courage de tout sortir, d’autant plus que je ne trouve pas de coin sympa.

Embrun est enfin à portée de roue, je pile devant la première boulangerie qui propose table et chaise en terrasse, à proximité d’une école primaire. 8h30, l’heure des enfants 🙁 je n’ai plus l’habitude de toute cette agitation.

Installé en terrasse, je regarde avec amusement les passants qui s’arrête, interloqué par mon vélo. Il est vrai que j’en impose avec mon vélo aussi long qu’une voiture. C’est le boulanger qui vient, entre deux clients tailler la discute… je lui raconte que j’ai franchit le col d’Izoard hier soir sous une météo fraîche et déplorable et lui de me répondre qu’il l’à passé plus tôt dans la journée dans les mêmes conditions, de fil en aiguille, je découvre qu’il était fermé ce week-end pour aller à un rassemblement de motards à Valloire…

Quelle ironie, je prends mon petit déjeuné chez l’un des nombreux motards qui m’a pété les oreilles dans la montée du Télégraphe et du Galibier. J’hésite à lui sauter à la gorge (rire)… chacun son délire, lui c’est cuir et grosse cylindrée… moi c’est le tricotage.

Aujourd’hui est censé être une journée de repos, je vais donc me trouver un camping, installer ma tente de façon tout à fait réglementaire et surtout me jeter sous la douche… et profiter pour laver mes fringues… ils ne tiennent pas encore debout tout seul, mais peu s’en faut. C’est au camping municipal de Savines le lac, idéalement placé les pieds dans l’eau, à une dizaine de kilomètres d’Embrun que je plante mes sardines.

Aussitôt installé, je sors le panneau solaire avec l’espoir de recharger l’ordi et nourrir mon blog en textes et surtout en photos. Mais la météo n’est définitivement pas de mon côté, le ciel encombré de nuages ralentisse la charge de la batterie. En fin de journée, je n’ai que 20 malheureux %, tout juste de quoi faire fonctionner l’ordi une heure.

J’en suis presque à regretter cette journée de repos, j’ai l’impression d’avoir perdu mon temps. J’aurai pu rouler et me rapprocher un peu plus de Nice. Mais voyons le bon coté des choses, les jambes se sont reposées et j’ai des fringues propres pour repartir.

La nuit finie de m’achever, avec la pluie qui s’invite à la partie. Obligation de plier une tente mouiller demain matin. Ayant décidé de prendre la route tôt, vers 6 heures, elle n’aura pas l’opportunité sécher, ce qui implique de la remonter humide demain soir 🙁

Bref… je fais du camping sous la pluie 😉


Énergie Solaire… petit bémol
Je comptais sur le formidable kit (panneau solaire/batterie) Sherpa 50 que Goal Zéro m’a très gentiment prêté pour ce voyage afin de recharger mon netbook, et ainsi alimenter mon blog en textes et en images.

Dans la théorie, le fonctionnement est simple… exposer le panneau au soleil qui fournit de l’énergie stockée dans la batterie nomade.

La théorie implique la présence de soleil… en ce qui concerne ce voyage… il est plutôt humide !

J’ai définitivement vidé la batterie hier. Je comptais sur ma journée de repos à Serre-Ponçon pour refaire le plein. Malheureusement, le soleil n’était que partiellement présent, 50% soleil, 50% nuage, pas de quoi donc recharger ma batterie.

La journée m’a tout au plus permis de gagner 20% de charge, à peine de quoi faire tourner l’ordi 1 heure. Tout juste le temps de trier mes photos.

L’année prochaine, il serait bon d’envisager un moyen dynamo… soleil ou pas… je roule !


8ème jour – Savines le Lac – Saint Sauveur/Tinée

Col de la Bonette (127 km, D+ 2368 m)

C’est aujourd’hui que je passe le dernier gros morceaux de ma Route des Grandes Alpes… le col de la Cayolle.

6h30, me voilà sur la route, avec un dernier regard sur le lac de Serre-Ponçon. La pluie de la nuit ne m’a facilite pas le rangement du matériel, la tente est trempée.

Je m’attendais à un début d’étape relativement calme, je suis rapidement rappelé à l’ordre par une montée sur le village de Sauze du Lac. Ce qui me mets dans le ton de la journée. La vue sur le lac de Serre Ponçon est superbe, une percé de ciel bleu rend ce paysage encore plus magnifique. Je prends le temps d’installer le matos photo et de shooter.

Arrivé au bout du lac, c’est l’Ubaye que je remonte sans difficulté malgré la chaleur qui commence à se faire omniprésente. Bientôt c’est une succession de faux plat montant et descendant qui me conduisent jusqu’à Barcelonnette.

Je suis en plein forme, la moyenne est bonne. Deux cyclistes (routiers) me rattrapent et me dépassent, je m’engage dans leurs roues et roule à une vitesse soutenue jusqu’à Barcelonnette. Je rigole tout seul quand ils se rendent compte que je suis maintenant dans leurs roues depuis plus de 5 km. Visiblement un peu navré de la cadence soutenue que j’arrive à suivre malgré ma remorque ils lèvent le pied. En ce qui me concerne, je suis lancé, Barcelonnette est à deux kilomètres, je continue tête dans le guidon.

Après une petite bouffe sur une terrasse de Barcelonnette, je remonte en selle et là… gros changement de programme, j’abandonne le col de la Cayolle… c’est finalement vers le col de la Bonette que je me dirige.

C’est un peu le challenge du voyage que je viens de me lancer. Cette route, la plus haute route de montagne d’Europe, avec 2802 mètres d’altitude, n’avait pas du tout été envisagée pendant la préparation u voyage. Je n’ai aucune trace, ni point GPS de préparés. Je sais ou est le sommet… Il n’y a qu’une route… mais aucune aide visuelle pour apprécier ma progression.
Pour le moment, j’ai 53 km au compteur et les cuisses suivent le rythme. Alors pourquoi ne pas tenter ?

13H00 j’arrive à Jausiers, point de départ de la montée sur le Col de la Bonette, un cyclo-campeur locale m’interpelle. Il m’avait vu passé quelques kilomètres plus bas. La discussion s’installe, on parle technique… Il m’invite à venir manger chez lui… l’offre est très sympathique… mais je refuse avec gentillesse. J’ai peur de ne pas réussir à me remettre en route si je m’installe autour d’une table. C’est une peu la mort dans l’âme que je le vois s’éloigner dans sa voiture…

En ce qui me concerne, je suis au pied du mur… et c’est au pied du mur qu’on voit le mieux le mur !

Lentement, mais avec conviction j’attaque l’ascension du col. Au loin le tonnerre gronde, le ciel se charge… quelques instants plus tard, la pluie commence à tomber se renforçant progressivement. Je suis dans le rythme, l’ascension se déroule bien, je suis pas encore une serpillière, mais vu ce qui arrive sur moi, ça ne saurait tarder. Et effectivement quelques instants plus tard, c’est une douche qui s’abat sur moi.

La pente, sévère sur les premiers kilomètres, se relâchent « un peu »… j’hésite à m’arrêter pour manger, mais j’ai peur de me refroidir, de ne pas repartir. Résigné, j’avance. La « Halte 2000 » dernier refuge avant le sommet, et même plus loin encore, car au sommet, il n’y a rien… mais ça, je ne le sais pas encore, se profil à l’horizon.

Rincé, frigorifié, je m’engouffre à l’intérieur pour me réchauffer et manger quelque chose.

A mon entrée dans le refuge, je découvre un lieu éclairé par des lampes à pétrole, une ambiance chaleureuse, réconfortante. Un chocolat chaud et une part de tarte aux pommes digne de celle de mes souvenirs d’enfances me redonnent un peu de force.
Je ne suis pas le seul à avoir été surpris par le mauvais temps, quatre cyclistes sont agglutinés devant la cheminée qui penne à réchauffer tout ce monde.

Tarte et chocolat chaud engloutis, changé et au relatif sec… sans autre alternative, je quitte ce havre de paix à regret, la reprise va être dure. Un motard ralentit à mon niveau et me crie « it’s snowing »… dépité, je lève la tête et découvre des sommets recouverts d’un blanc manteau.

Effectivement, vers 2400 mètres, les gouttes de pluie changent de consistance… bordel, IL NEIGE pour de vrai… il me reste encore 400 mètres de dénivelé à parcourir, et aucune idée de la distance qui me sépare du sommet. Rapidement mes sacoches s’alourdissent du poids de cette neige humide. Bientôt la route disparaît sous une épaisse couche de neige…

Mes peurs deviennent réalités, les 25 kilo de matériel embarqué m’achèvent. La roue arrière n’adhère plus à la route, je suis obligé de mettre pied à terre pour continuer d’avancer. Laborieusement je pousse mon vélo, mes chaussures, pas adaptées pour la marche (et surtout équipées de cales automatiques) glissent inévitablement. Ce n’est plus du vélo, c’est de la survie. L’idée de rebrousser chemin me traverse l’esprit…

Non, le sommet est… doit-être… trop prêt.

Dès qu’une voiture passe à mon niveau… il y en a, trop peu malheureusement, je m’engage dans les sillons laissés et pédale aussi loin que possible. Ce laborieux exercice de style m’épuise.

La neige semble se calmer. Un léger replat, peu enneigé, me permet d’enfourcher mon vélo et d’avancer rapidement pendant quelques centaines de mètres, avant de perdre de nouveaux toute adhérence !

Exténué, j’avance… résigné, l’idée de m’enrouler dans ma couverture de survie et d’attendre le passage d’une voiture me traverse l’esprit encore une fois. Je chasse cette idée avec rage !

J’arrête une voiture qui descend et demande aux occupants à quelle distance se trouve le col !!! Je n’ai aucun repère visuel, tout est dans le brouillard, tout est blanc.

Le conducteur, halluciné, me répond… « vous y êtes, encore 200 mètres »

Le col est ENFIN sous mes pieds. Les précédents cols m’avaient brulé les cuisses… celui-ci c’est attaqué à mon mental. Je suis exténué, trempé de la tête aux pieds, transis de froid… mais je suis HEUREUX comme jamais !

Le Col de la Bonette n’est « que » à 2715 mètres d’altitude. Ce n’est pas le plus haut d’Europe, il faudrait que je fasse le tour de la Cîme de la Bonette pour monter à 2802 mètres, mais il y a trop de neige sur la route, à quoi bon me battre pendant une heure (si ce n’est pas plus…), je suis déjà allé chercher au bout de moi, inutile de tenter le diable.

Je ne suis pas déçu pour autant, cette montée a tenu toutes ses promesses et même plus. Comme pour me féliciter, la météo m’offre un instant de répit et me laisse profiter du paysage.

Maintenant, il faut penser à la descente… impensable dans ces conditions, je suis trempé, frigorifié. Je n’ai pas d’autres solutions que de me mettre à poil, d’enlever tous ces vêtements mouillés. J’ai eu la présence d’esprit de garder en réserve de quoi me mettre au chaud pour la descente.
Encore faudrait-il que mes doigts arrivent à défaire mes lacets et attraper les curseurs de mes vêtements. Soudainement, je repense au colis, et surtout au matériel que j’ai renvoyé chez moi lors de mon passage à Bourg-Saint-Maurice… je savais que j’allais regretter une partie de ce matériel ! Ce n’est ni plus, ni moins mes mitaines qui me font défaut. Quel manque de clairvoyance…

Une voiture s’arrête face à moi, s’inquiétant de savoir si tout va bien… je suis au chaud, dans des vêtements secs, tout va bien maintenant. Seul les doigts engourdis par le froid refusent toujours de bouger… il faudra faire avec !

La descente, très dangereuse à cause de la neige sur les premiers kilomètres, prends rapidement un rythme très soutenu dès que je retrouve l’asphalte… rapidement je frise et dépasse les 60 km/h. A ce rythme, j’arrive vite au bas de cette descente de plusieurs dizaines de kilomètres.

Je suis glacé, il ne pleut plus, mais je suis toujours trempé. Ce soir, ce sera hôtel, je n’ai pas le courage de monter la tente et il faut que je fasse sécher tous mes vêtements.

Arrivé à Saint Sauveur sur Tinée, j’envahis une chambre du premier hôtel rencontré… un quatre étoiles aurait fait l’affaire… mais il n’en est rien ! En quelques secondes la chambre se transforme en séchoir,
radiateurs poussés au maximum.

Je me glisse sous la douche et consomme en un soir l’équivalent d’une semaine d’eau chaude.

Exténué, je me glisse dans les draps et sombre en quelques secondes dans un profond coma léthargique.


9ème jour – St-Sauveur/Tinée ~ Castillon

col Saint Martin, Col de Turini, Col de Castillon (92 km, D+ 2529 m)

Comme ça fait du bien de dormir dans un vrai lit… j’ai fait l’étoile de mer toute la nuit.
Ce matin, toutes mes affaires sont sèches. Après un énorme petit déj, je reprends la route, direction St-Martin.

Un début d’étape au profil descendant, idéal pour se remettre en jambe. L’attaque du Col Saint-Martin se fait progressivement, la pente n’est pas brutale et amène vers le village de Valdeblore. Ce village, superbe, est surprenant. Je n’ai jamais vu un village s’étendre sur une aussi longue distance.

La route du col prend un aspect un plus peu sévère progressivement, mais sans excès. Je suis toutefois dubitatif quant aux indications de pente tout le long de cette ascension. Un 3 % me rappel un 6 % du Galibier et un 6 % un 3 % … Le dernier kilomètre est effrayant. Une grande ligne droite qui est censé être du 1 % mais qui n’en finie pas de s’élever. Enfin le Col, je suis fatigué. Il est temps que cette balade prenne fin, je commence à accuser le coup.

La descente sur Saint-Martin-Vésubie est très jolie, la route bien roulante, la vue sur le village est splendide.

C’est désormais le Col de Turini qui me fait face. Je l’attaque mécaniquement, sans me poser de question. Il fait encore bien chaud. La montée est très dure. Non pas quelle soit raide… peut-être le fait de savoir que je suis à la fin de mon périple.
Je commence à avoir beaucoup de mal à appuyer sur les pédales, je trouve le temps long. Je regarde le GPS… je suis encore loin du sommet. Chaque virage cache un second virage !!!

Soudainement quelqu’un me parle !!! Je tourne la tête et me retrouve nez à nez avec un cycliste qui m’a rattrapé.

Contrairement à tout ceux que j’ai pu croiser depuis bientôt 10 jours, celui-ci reste à mon niveaux et commence à taper la causette ! Je suis un ours, mais ça fait du bien de discuter avec quelqu’un. Surtout en ce moment ou je trouve vraiment le temps long.
Il m’accompagnera jusqu’au sommet, à 3 kilomètres de là. Il roule plus vite que moi, je m’accroche à son rythme. Mes jambes vont un peu mieux.

Arrivé au sommet, on discute encore quelques minutes avant qu’il ne reparte d’où il vient et que je plonge sur Sospel, me rapprochant un peu plus de la mer.

La descente me réserve une surprise aussi surprenant qu’inattendue… un renard à décidé de faire sa toilette au milieu de la route. Pas effarouché par ma présence, il retourne dans la forêt tranquillement. Reprenant ma route, je découvre les Gorges du Piaon et ses splendeurs. Un arrêt à Notre Dame de la Menours s’impose.

Il se fait tard, il est temps de chercher un coin pour passer la nuit. Je décide de traverser Sospel, pensant trouver un coin pour poser la tente pour la nuit. Malheureusement, tout autour de moi, commence à pousser des maisons toutes plus grosses les unes que les autres. Il va être difficile de s’installer ici pour la nuit. Je n’ai pas d’autre alternative que de pousser un peu plus loin.

Cette fuite en avant me rapproche doucement du Col du Castillon, le dernier avant Menton et l’avant dernier de la Route des Grandes Alpes.

21h00, je suis toujours à la recherche d’un coin pour dormir. Après Castillon c’est Menton !!! Si je ne trouve pas pour dormir rapidement, ça risque d’être compliqué sur la côte.

Je tente l’ascension du Col du Castillon, espérant trouver un coin. Je suis fatigué, je me trompe de route et me retrouve sur une nationale, limite route pour automobile… et bientôt un tunnel… INTERDIT AU VELO… je n’ai pas le courage de faire demi-tour, je n’ai pas d’autre alternative… je me lance tête baisé dans ce tunnel long de 754 mètres. J’ai 80 kilomètres dans les jambes… 2529 mètres de dénivelés… malgré ça, je passe le plus gros braquet disponible pour avaler ce tunnel le plus vite possible. Je n’ai pas souvenir d’avoir déjà roulé aussi vite sur un faux plat montant.

Enfin hors du tunnel, un panneau m’indique Col du Castillon. Je suis lamentablement planté de route, je suis sur le versant Menton du col. Mais je veux le franchir, peut importe le sens… pour l’honneur. Arrivé au col, sans attendre, sans photo, fatigué, je fais demi tour direction Castillon. Il est 22h00, je suis mort, je dois dormir.

C’est à la sortie du village de Castillon (fabrication de bière et de limonade… j’aurai bien bu une limonade avec de la bière… mais tout est fermé) que je trouve enfin la terre promise. Non loin d’un transformateur EDF, je monte la tente en toute hâte et glisse dans le duvet.

Voilà deux soirs d’affilés que je ne mange pas malgré des journées bien chargées. Demain, je déjeune à Menton 🙂


10ème – Castillon~ Nice

col d’Eze (45 km, D+ 563 m)

Dernier jour… 🙂

Je me lève très tôt ce matin. D’une part, parce que j’ai très faim… d’autre part, je suis « presque » au beau milieu d’un quartier résidentiel. Et je n’aimerai pas, pour ce dernier jour de RGA, avoir à rendre des comptes aux Gendarmes. Aussi, 5h30, tente pliée, matos rangé et Steph sur la route… encore !!!

Moins d’heure plus tard, la mer se montre enfin !!! Ma gorge se noue, je l’ai presque fait…

6h30, je débarque à Menton pour le petit déjeuné. Avant même d’y penser, je me dirige vers la Mer. Voici 10 jours que je suis parti de Thonon, je suis impatient de la voir. Jamais elle ne s’est fait autant désirer.

Mais la faim est plus forte, je pars à la recherche de mon petit déjeuné. Petit pain et jus de fruit à la main, je me pose sur un banc avec vue sur la mer.

Quelques minutes pour souffler et me revoici en route pour Nice, point final de ma Route des Grandes Alpes. Je décide de contourner Monaco par les hauteurs. La route de la Corniche m’offre une vue splendide sur la mer. Il n’y a que du bleu à perte de vue.

Ce n’est pas spécialement beau, mais c’est captivant. La vue sur Monaco est par contre superbe, ces bâtiments posés sur le caillou offrent un spectacle superbe, une ville bâtie au chausse pied, ou chaque centimètre est exploité.

Le col d’Eze, avant dernier col de ma RGA est sous mes roues. Trop impatient d’en terminer je ne m’arrête pas, tout juste un rapide coup d’oeil.

Voici venir le « dernier » col de la Route des Grandes Alpes… le Col des 4 chemins. La montée n’est pas dure, le temps est clément, je roule tranquillement, résistant à l’envie d’appuyer sur les pédales pour atteindre mon objectif rapidement.

Le col des 4 Chemins n’est qu’un carrefour sans intérêt, si ce n’est de pouvoir accrocher un nouveau col à mon palmarès, que j’ai plutôt bien complété en une semaine.

Encore une fois, je ne m’arrête pas et entame la descente sur Nice.

10h15… NICE


Épilogue

La première partie de mon voyage est finie… un dernier regard sur les Alpes… je viens de réaliser un vieux rêve. Un grand sourire éclaire mon visage, une énorme satisfaction.

Quelques photos pour immortaliser l’instant. Quelques instants à contempler la Mer, que j’ai tant attendue… et puis je (re)commence à m’ennuyer à être là, sans rien faire !!!

Mon chez moi me manque, ma chérie me manque ! Sans plus attendre, je remonte sur mon vélo et repart à l’assaut du bitume direction Thonon-les-bains.


En quelques chiffres

  • Départ de Thonon : place de la Mairie – le Mardi 10 juin 2014 à 10h15
  • Arrivée à Nice : juin 19 juin 2014 à 10h15
  • 733 kilomètres parcourus
  • 16 082 mètres de dénivelé
  • 18 cols franchis, dont le plus haut d’Europe
  • 20 kilos de matériel embarqué
  • Encore 800km et quelques cols, une partie de la Via Rhôna avant de rentrer à la maison.