L’Europe à vélo

L’Europe à vélo

24 avril 2023 1 Par StephOnABike

Direction l’Islande

Avion ou bateau… Voilà les deux seules solutions pour rejoindre l’Islande !
Pour ma part, et dans la continuité de ma démarche « éco-mobile », la voie maritime s’impose. Il me faut donc rejoindre le nord du Danemark pour embarquer sur le MS-Norrøna, et tant qu’à faire, autant se rendre à Hirtshals à vélo.

C’est ainsi que prends naissance mon périple au travers de l’Europe à vélo.

23 avril 2023 – J-1

Grand ménage… avant le départ

24 avril 2023 – Jour 1

Perrignier / Payerne (106 km – D+ 1010 m)

Aujourd’hui marque le début d’une aventure attendue de longue date, deux années de préparation prennent vie aujourd’hui ! Je prends la route à vélo pour un voyage de 3 mois en solitaire qui me conduira jusqu’en Islande. Malgré cela, la nuit a été plutôt paisible et je me réveille serein.

Après 20 kilomètres parcourus en compagnie de ma Chérie, le moment tant redouté des adieux arrive ! Je n’avais pas, jusqu’alors, mesuré la difficulté que représenterait cet instant… Le sentiment de liberté est mêlé à celui de quitter un être cher, créant une ambiance empreinte d’émotions contradictoires. Si dans quelques kilomètres mon esprit sera connecté à la route, je n’ose imaginer la souffrance que cette séparation forcée va représenter pour Sandrine. Dans l’immédiat, la culpabilité m’assaillit et une pichenette pourrait me faire abandonner mon projet, mais c’est finalement l’enthousiasme et l’excitation qui prennent le dessus !

Quelques kilomètres plus loin, juste après Evian, ce sont mes parents qui guettent mon passage pour me souhaitez bon voyage.

La première partie de la journée me conduit jusqu’à Saint-Gingolphe, sur une route aussi dangereuse qu’inintéressante, puis Montreux ou, en compagnie de Freddy je jette un dernier regard sur le Lac Léman. A partir de maintenant, c’est le saut dans l’inconnu.

Picnic au pied du Grammont

Une mauvaise préparation d’itinéraire me joue un tour et me met face à une portion de route de 18 %. Une montée abrupte qui me contraint à pousser 70 kilos de matériel, me faisant prendre conscience que ce voyage ne va pas être une partie de plaisir.

Après 1 heure et demi de mise en jambe éprouvante, je retrouve les routes vallonnées des plateaux vaudois et bernois, me permettant d’avancer plus rapidement. Les paysages pittoresques défilent sous mes yeux, apportant une touche de réconfort après les difficultés initiales.

Alors que les kilomètres s’ajoutent, je m’approche progressivement de Payerne, marquant la fin de cette journée bien remplie. L’heure est venue de rechercher un endroit adéquat pour installer ma tente et passer la nuit. Cependant, les kilomètres continuent de défiler sans me présenter d’opportunité pour un bivouac. Finalement, aux alentours de 20 heures, je trouve un coin de forêt facilement accessible tout en étant suffisamment éloigné de la route.

Cette première journée de voyage a été incontestablement éprouvante, tant physiquement qu’émotionnellement. Les premiers pas dans cette aventure en solitaire m’ont déjà enseigné que chaque kilomètre parcouru sera une épreuve à affronter. Cependant, je suis persuadé que chaque défi surmonté me rapprochera davantage de la découverte de soi et de l’essence même de cette aventure.

Au-delà de la fatigue et des difficultés, je ressens une profonde gratitude envers ma chérie qui m’a accompagné dans les premiers instants de cette aventure. Son soutien et sa présence ont été des cadeaux précieux pour aborder ce voyage en douceur. Je me sens coupable de l’abandonner pour aussi longtemps, mais ce projet me tient tellement à coeur.

Dans les jours à venir, je m’attends à rencontrer d’autres défis sur ma route. Mais c’est justement cette incertitude qui rend cette aventure si captivante et enrichissante. Chaque tournant, chaque nouvelle rencontre, chaque défi, contribuera à tisser l’histoire de ce voyage hors du commun.


25 avril 2023 – 2ème jour

Payerne (CH) / Village-Neuf (F) (155 km – D+ 2249 m)

Cette deuxième journée de mon aventure à vélo vers l’Islande commence avec une météo incertaine. Après seulement quelques kilomètres, la pluie s’invite à la fête m’offrant un avant goût d’Islande, l’occasion de mettre à l’épreuve la veste Gore TRX2, fournie par Trangoworld. Mais cette météo n’entame pas mon enthousiasme pour autant, bien au contraire.

L’objectif du jour est de rejoindre Bâle, me permettant de traverser la Suisse en deux étapes comme prévu.

Tandis que je roule plein nord, les paysages pittoresques de la Suisse défilent sous mes yeux au fur et à mesure de ma progression, me conduisant à la cité médiévale de Murten (canton de Fribourg) ou je déniche un drapeau Suisse, le premier à venir rejoindre celui du Chablais sur ma remorque.

Vers midi, le soleil fait enfin son apparition, m’offrant un répit bienvenu et l’occasion de faire sécher mes vêtements et de me préparer à manger. Je savoure ces premiers instants de solitude, ne réalisant pas encore qu’il va en être ainsi pour les trois mois à venir.

La suite de mon périple me conduit à Soleure, ou je découvre un ancien bâtiment désaffecté reconvertit en espace culturel. Outre la présence d’un skatepark, ce lieu est ouvert à l’expression graphique avec des dizaines centaines de graffitis tous plus magnifiques les uns que les autres. L’endroit est une invitation à la rêverie, mais il me faut reprendre la route.

Celle-ci me conduit maintenant vers le principal défi du jour : le col d’Hauenstein (734m d’altitude). Avec en mémoire ma mésaventure d’hier, je m’attends à une ascension longue et douloureuse, aussi je suis satisfait de gravir ce col avec beaucoup de facilité avec une moyenne plus qu’acceptable, me permettant d’atteindre le sommet aux environs de 20 heures.

La descente sur Bâle sera (aurait dû être) l’occasion pour trouver un endroit propice pour le bivouac, malheureusement, celle-ci se révèle être un enchainement de villes et villages ne m’offrant guère d’opportunité pour planter ma tente et je me retrouve rapidement aux portes de la ville, que je ne peux que traverser de nuit afin de rejoindre l’Alsace.

C’est aux environs de 23 heures que je découvre le Saint Graal, le long d’une piste cyclable bordant une rivière à proximité de Village-neuf. Cette longue journée a été épuisante physiquement, mais la satisfaction d’avoir parcouru 155 km est énorme et me donne confiance pour le reste du voyage.

Ce voyage vers l’Islande ne se limite pas à la destination ; il s’agit d’embrasser l’imprévisibilité de chaque jour, de découvrir de nouveaux lieux et de repousser mes limites physiques et mentales. Alors que je m’endors, je suis empli d’excitation pour les aventures à venir. La route m’appelle, et je suis prêt à répondre à son appel, impatient de voir ce que le prochain jour de ce périple incroyable me réserve.


26 avril 2023 – Jour 3

Village-Neuf (F) / Erstein (F) (103 km – D+ 85 m)

La nuit fût courte… 5 heures du matin, j’entends passer les premiers vélotafeurs passer à côté de ma tente que j’ai monté à l’arrache, sans vraiment savoir ou je suis exactement ! Aussi, pour éviter tout problème, je décide de m’extraire de ma tente et de la démonter sans tarder.

A cause de la proximité de la rivière et de la brume matinale ma tente est toute humide ce matin, je n’ai pas d’autre choix que de la plier mouiller, en espérant que la météo m’offre l’occasion de la faire sécher durant ma pause de midi. Pour l’instant, le ciel est bien bouché et ne semble pas décidé à laisser passer le soleil.

Après un petit-dej en compagnie des oiseaux… et il y en a vraiment beaucoup, certain n’étant pas du tout farouche, je reprends la route. En ce troisième jour de voyage, mon objectif est de rallier Strasbourg en suivant le canal du Rhône au Rhin, une étape qui ne devrait pas poser de problème, hormis la distance à couvrir, le dénivelé ne devrait pas jouer les troubles faites aujourd’hui.

Les premiers kilomètres me font traverser la Réserve naturelle de la Petite Camargue Alsacienne avant de me conduire aux portes de la forêt de la Hardt que je traverse en suivant un chemin forestier interdit aux voitures, m’offrant une vingtaine de kilomètres au calme avant de récupérer la route.

A Blodelsheim, je découvre avec bonheur un distributeur automatique d’oeufs frais ou pour 1€50 je m’offre une boite de 6. Je ne le sais pas encore, mais les oeufs vont être omniprésent dans mon alimentation pour les semaines à venir et durant l’aller et le retour en Europe ils seront systématiquement acheté en distributeur, favorisant le circuit de distribution court.

Il est midi passé quand j’atteins la ville fortifiée de Neuf-Brisach. Les nuages ont enfin laissé la place au soleil, me permettant de faire sécher ma toile de tente durant ma pause casse-croute. L’occasion de goûter mes oeufs frais.

Ma pause finie, je récupère la piste cyclable du canal du Rhône au Rhin que je ne vais plus quitter de la journée. Une ligne droite interminable au fil de l’eau, ponctuée d’écluses. Les kilomètres s’enchainent sans grosse difficulté, mais malgré l’absence de dénivelé les kilos en remorque me rappel qu’il va falloir gérer ce voyage avec lucidité ! Pour l’instant je suis encore frais et les jambes vont bien, mais dans quelques jours, il risque d’en être tout autrement… ou pas !

La fin de la journée approche et avec elle Strasbourg qui n’est plus que à une vingtaine de kilomètres, aussi je me mets en quête d’un emplacement pour planter ma tente. Quelques minutes plus tard, je trouve, sans quitter la voie verte, un accès à un champ, me permettant de poser mon bivouac à l’abris du regard des promeneurs et des vélos. Au pire, ce sera un harde sanglier qui viendra dévaster mon campement !!!

Fin d’après-midi, je me suis arrêté dans un supermarché pour faire quelques courses, profitant du rayon boucherie pour me prendre un filet de poulet et de la crème fraiche. Sans parler de grande cuisine, ce soir, je me mets au « fourneau » pour me cuisiner mon pêché mignon… poulet au curry.

La journée a été longue, tout comme cette interminable ligne droite le long du canal du Rhône au Rhin – un avant goût de ce qui m’attend en Islande ou les lignes droites sont légions – et malgré l’absence de dénivelé, je n’ai pas avalé autant de kilomètres que je l’imaginais.

Lors de la préparation de l’itinéraire, je m’étais imaginé remonter les 200 kilomètres de l’Alsace en une seule journée. De toute évidence, j’ai mésestimé quelque chose…


27 avril 2023 – 4eme jour

Erstein (F) – Hagenbach (DE) (112 km – D+ négligeable)

Frayeur au réveil ce matin… à peine sortie de la tente je vois un 4×4 traverser les champs dans ma direction ! Il semblerait que mon bivouac ne soit pas du goût de tous, ça sent la cartouche !!!

Finalement non, c’est un chasseur qui surveille les affuts et la présence de gibier, nous discutons quelques minutes et me dit être surpris de me voir ici ce matin. Il a inspecté la zone à la caméra thermique hier soir et ne m’a pas vu… Bonne nouvelle si je suis invisible à la caméra thermique 😀

Alors et mon programme du jour ? Passer Strasbourg et surtout rejoindre l’Allemagne. Retour donc sur le canal du Rhône au Rhin direction Strasbourg que je décide de traverser pour aller faire un coucou aux collègues du Vieux. Si l’idée est bonne, la mise en pratique est horrible. Je me perds dans un dédale de rues ou confrontés à une horde de feux rouge je perds patience, en plus de beaucoup de temps et d’énergie. Relancer mon attelage à chaque feu tricolore est un calvaire. Les 70 kg que je traine me demande un effort inouï pour être mis en mouvement.

Sans compter le monde et son brouhaha qui m’oppresse. Fuir de cette jungle, voilà la seule idée qui hante mon esprit… Définitivement, à la foule je préfère la solitude… voilà un fait acquis !

Un repas végé plus tard, je repends la route direction Lautergourg et l’Allemagne. L’après-midi est déjà bien avancé et couvrir la distance restante pour passer la frontière est un challenge.

Depuis une quinzaine d’années, je suis réfractaire à l’Alsace – syndrome post-traumatique certainement – aussi je redécouvre ce coin de France grâce à la mobilité douce. Haut et Bas-Rhin sont un bonheur pour le vélo grâce à un multitude de pistes cyclables et voies vertes. Sur ce coup, je ne regrette pas la Haute-Savoie et sa – quasi – absence d’infrastructure pour la mobilité douce.

Mon itinéraire me fait suivre le Rhin jusqu’à la frontière Allemande que je passe en début de soirée, les jambes vont bien, je roule encore quelques kilomètres pour dénicher mon petit coin de paradis pour la nuit – un coin de forêt, en retrait de la route, mais néanmoins facilement accessible.

Je suis un éternel incorrigible… hier soir, mon piezo présentait des signes de faiblesse. Toute la journée j’ai procrastiné, retardant de kilomètre en kilomètre le moment ou je me déciderais à aller acheter un briquet. Le bivouac est installé, mon piezo est définitivement hors service et je n’ai aucun moyen d’allumer mon réchaud !!!

Par chance, il me reste des oeufs durs et du fromage, heureusement que la journée n’a pas été éprouvant, le repas s’annonce frugale.


28 avril 2023 – 5eme jour

Hagenbach (DE) – Malchen (DE) (118 km – D+ 100 m)

Malgré la pluie de cette nuit vers 2h30, ce matin la tente est étonnamment sèche ?!

La météo du jour s’annonce plutôt humide, aussi à 6h30 du matin, je profite de l’absence de pluie pour ranger mon matériel et reprendre la route au plus vite. En soit, rouler sous la pluie ne me dérange pas, ma plus grande crainte est de devoir monter et démonter ma tente sous la flotte. Rien de pire que de devoir se glisser dans une tente déjà trempée pour la nuit…

8h30 les premières gouttes viennent à ma rencontre, rapidement accompagnées d’autres gouttes, puis d’autres, encore et encore. La météo ne s’est pas plantée malheureusement. La matinée se déroule sous une douche permanente. Vers midi, mon chemin croise un Kebab et je ne résiste pas à l’idée de manger au chaud. Je profite de cette pause pour recharger mes appareils électroniques… calvaire de l’aventurier moderne… le panneau solaire est pour l’instant inutilisable et la moyeu dynamo fait juste sont job.

Le retour sur la route se fait sous une alternance de pluie fine et d’averse. Ma veste Trango TRX2 et mon pantalon de pluie remplissent, heureusement, parfaitement leurs fonctions, je roule au sec. Mais je me demande néanmoins quelles vont être leurs performances après 3 mois d’utilisation intensive !

En milieu d’après-midi, la pluie laisse place à un aussi surprenant qu’agréable ciel bleu. Je profite de l’occasion pour appeler mon gamin, Hugo, dont c’est l’anniversaire aujourd’hui. Acheté il y a quelques kilomètres, je sors un donut et y plante un touillette en bois en guise de bougie avant de lancer une Visio. Perdu en pleine forêt, ce moment de répit en sa compagnie me fait le plus grand bien.

De retour sur le vélo, la pluie reviens à la charge et ne me quittera plus jusqu’à la fin de journée.

Vers 19h00 avec un peu plus de 100 kilomètres au compteur, complètement rincé, je décide de m’arrêter pour la nuit en mode squatteur sous un kiosque en pleine cambrouse non loin de Nieder Ramsdatt. A peine arrêté, un monstrueux orage, accompagné de grêle et de vent éclate, transformant mon abris de fortune en piscine.

Poser le matelas au sol s’avère impossible, je tente une nuit à dormir dans mon fauteuil… mais le coin ne m’inspire guère confiance, situé le long d’une piste cyclable, il y a beaucoup de passage et notamment vers 21h00 une voiture de police, qui braque un phare sur moi avant de poursuivre sa route. Même si visiblement je ne dérange pas et profitant de l’absence de pluie, je décide de reprendre la route pour me trouver un coin ou monter la tente.

Il est minuit quand je trouve enfin le paradis une quinzaine de kilomètre plus loin, un bout de forêt au calme. Exténué, je monte rapidement la tente et gonfle le matelas avant de sombrer dans les bras de Morphée, mais à 2h30 le froid me fait finalement sortir le duvet pour terminer la nuit.

La journée a été éprouvante, même en l’absence de dénivelé, à peine 100m aujourd’hui. Les conditions météo du jour ont mis mon morale à rude épreuve. Je m’attendais bien à rencontrer de tels conditions, mais entre l’imaginaire et la réalité, ce n’est pas tout à fait la même chose.

Bref, le baptême de l’eau est fait, en espérant retrouver le soleil et la chaleur rapidement.


29 avril 2023 – 6eme jour

Malchen (DE) – Hugen (DE) (99 km – D+ 446 m)

A peine 5h de sommeil… N’ayant pas vraiment repéré l’endroit où j’ai installé ma tente, je préfère quitter les lieux rapidement pour éviter toute complication.

Ainsi, 6h00 du matin, je suis de nouveau sur la route. Après quelques kilomètres de bitume, je me retrouve en pleine forêt à parcourir de larges chemins roulants. Une fois n’est pas coutume, je découvre des endroits ou poser la tente aurait été un pur bonheur. Mais en attendant, c’est l’estomac qui me rappel à la réalité… le petit dej s’impose.

Cette forêt offre une atmosphère propice à la contemplation et à la détente, incitant à savourer pleinement l’existence. Son isolement et sa vaste étendue éveillent en moi un flot d’émotions qui m’entraînent vers une profonde réflexion. Je me questionne sur mes aspirations fondamentales et ma vision de l’avenir.

Éloigné de l’agitation de la vie quotidienne, je suis saisi par le désir de tourner le dos à ma routine et de partir à l’aventure, parcourant le monde à vélo.

Après un petit dej’ en compagnie de ma Chérie en visio, je sors enfin de ma torpeur et trouve, enfin, le courage de reprendre mon voyage qui me conduira jusqu’au plan d’eau de Darmstadt ou règne en maitre la faune aquatique. Des centaines de canards se promènent en toute quiétude avec leurs progénitures. Visiblement habitués à la proximité de l’homme, ils ne prêtent guère attention à ma présence et se laissent photographier sans crainte.

Cette journée me gratifie de ma première belle rencontre du voyage. A quelques kilomètres de Frankfort, je me mets en chasse d’une fontaine pour faire le plein de flotte. Chose difficile que de trouver une fontaine ou un robinet publique en Allemagne. Sur ma route, je croise un VTTiste que j’aborde sans hésiter pour avoir une piste à suivre.
Plutôt que de m’indiquer ou trouver une fontaine, il me propose de le suivre jusqu’à chez lui pour faire le plein au robinet de son jardin. Malgré mon anglais hésitant, nous discutons de longue minutes de mon voyage à venir.

Frankfort et son calvaire de feux et de carrefours traversés, je me retrouve sur une belle portion de voie verte qui me conduit vers les premières portions vallonnées de mon périple allemand. Lentement, j’accède sur un plateau couvert de champ de colza à perte de vue. La scène pourrait sembler idyllique si un tenace vent de face n’était pas là pour contrarier ma progression.

La journée est maintenant bien avancée et il me faut commencer à penser au bivouac du jour. Ici, au milieu des champs, impossible !
Au loin, une forêt me fait de l’oeil, mais une fois atteinte, je découvre qu’il s’agit d’une réserve naturelle… Or de question de planter la tente ici.

Mon itinéraire me fait prendre une voie verte qui me réserve une belle surprise. A bout de quelques centaines de mètre, je découvre un espace aménagée pour le pique-nique, avec banc et table à disposition et surtout un terrain divinement plat. L’opportunité est trop belle pour ne pas la saisir.

Je m’empresse de monter la tente et me mets aux fourneaux. Ce soir, c’est samedi, je mets les p’tits plats dans les grands… Saumon au curry accompagnée d’une purée d’épinard. Qui a dit que voyager à vélo imposait de ne manger que les pâtes et des boites de conserve ?!

Et il faut bien ça pour se remettre de la galère de cette fin de journée. Une portion de chemin tellement boueux que ma roue arrière en était bloquée. Une vraie misère pour faire avancer les 70 kilo de mon attelage. Heureusement, section de courte durée…


30 avril 2023 – 7eme jour

Hugen (DE) – Borken (DE) (90 km – D+ 1227 m)

Nuit de rêve !!! Seul les grenouilles pour compagnie.

La clémence de la météo d’hier se confirme en ce dimanche matin. La nuit a été magnifique, pas un nuage et ce matin, c’est avalanche de ciel bleu. En revanche, ma tente est trempée de rosée. Je ne suis pas en retard sur mon planning, j’ai même un peu d’avance. Trainer un peu ce matin en attendant que ma tente sèche ne devrait pas me pénaliser. Et puis, c’est dimanche… d’ailleurs ou sont les croissants ???

Le petit dej est l’occasion d’une belle rencontre. Une jeune biche passe avec nonchalance devant moi, visiblement surprise de croiser quelqu’un ici de si bonne heure. Le temps d’attraper mon téléphone pour immortaliser l’instant et elle est déjà loin… mais néanmoins curieuse.

Quant est-il de mon objectif du jour… prendre le temps et dénicher une laverie ne serait pas un luxe. Il n’y a pas urgence, mais je vais bientôt être à bout de change et je ne suis pas trop adepte de la « lessive de gascon ».

10h00, je m’apprête à prendre la route… mais non ! Un habitant du village voisin en ballade s’arrête, intrigué par mon attelage. Une heure de bavardage plus tard et la proposition (très gentiment refusée) de profiter de sa machine à laver, je reprends la route.

Les longues portions plates allemandes parcourus jusqu’alors laissent place à une topographie nettement plus vallonnée. Les montées, certes de faibles dénivelées, se succèdent sans relâche. La moyenne chute inexorablement et les mollets sur-chauffent rapidement. Les 70 kilos de matériel me rappelant à l’ordre, d’autant plus que j’alterne entre routes, pistes forestières et chemins à travers champs.

En fin d’après-midi, après une énorme portion en forêt bien éprouvante je me mets en quête de flotte. Définitivement, trouver une source ou une fontaine publique n’est pas chose aisée par ici. De nouveaux je m’arrête auprès d’un habitant d’un petit village pour glaner quelques infos et encore une fois, je me retrouve invité chez l’habitant pour remplir mes gourdes, auxquelles s’ajoutera une bouteille d’eau pétillante gentiment offerte.

19h15, les 85km tombent… moi qui m’était promis un journée tranquille 😊
Je me mets, dès lors, en quête de mon bivouac pour la nuit. Après quelques tentatives non concluantes, mes pérégrinations me conduisent en lisière de forêt, au calme.

Une belle journée, sous une météo exceptionnelle… et tant attendue !
La variété des paysage allemand est magnifique, traverser ce pays à une vitesse « humaine » me remplit de bonheur, même tout n’est pas rose, je me sens libre !!!


1er mai – 8eme jour

Borken (DE) – Höxter (DN) (96 km – D+ 940 m)

5h30… c’est le chant des oiseaux qui me sortent de mon sommeil ! Quelques minutes plus tard c’est une voiture qui m’incite à m’extraire de ma tente. Et c’est tant mieux, le levé de soleil est juste splendide.

Par curiosité, je déplie la carte de l’Allemagne pour me situer… Soudain, j’ai l’impression de ne pas avancer. Mais que c’est grand l’Allemagne, il me reste tant de distance à parcourir. Un léger sentiment de désespoir m’envahit soudain. Les jours défilent et le Danemark ne se rapproche pas aussi vite que je l’imaginais.

8h00, je prends la route plein nord… il faut que j’avance !

8h05… problème mécanique ! Je viens de me prendre la pointe de la chaussure dans mon garde-boue avant, c’est ma chaussure qui a gagné !
A vrai dire, ça faisait un bon moment que cherchais une excuse pour l’enlever, voilà qui est fait 👍

Quelques kilomètres plus loin, je trouve enfin une station de lavage avec jets haute pression. Je vais enfin pouvoir laver mon vélo de toute la boue accumulée depuis avant hier.

Comme hier, le terrain est vallonée, les montées, toujours courtes, sont de vrais casse pattes, j’ai l’impression de ne pas avancer. Je m’épuise physiquement pour avancer, mon attelage est vraiment lourd, je développe un puissance phénoménale pour hisser tout ce merdier au sommet de chacune de ces côtes. Je regrette l’absence de capteur puissance… je dois bien pousser dans les 400 watts en permanence.

Vers midi je me fais surprendre par une fringale, je n’ai plus de pêche ! Faire tourner les pédales est un supplice… épuisé physiquement, le mentale ne tarde pas à lâcher à sont tour. J’ai beau me hurler dessus, rien n’y fait, je suis au bout à bout de force. Voilà une semaine que je roule sans discontinuer, avec une alimentation aléatoire le midi.

Le hasard veux que je passe devant une ferme qui vend sa production d’oeufs en libre service… Tu te sers en oeufs et tu laisses ta petite pièce dans une tirelire. L’occasion de refaire le plein de protéine, j’en ai bien besoin.

Après deux heures de vrai repos, avec un vrai repas… consistant… des oeufs, des pâtes… bref la vie quoi ! me voilà requinqué et prêt à remonter en selle.

Après le coup de fatigue de ce matin, c’est une euphorie qui m’envahît. La beauté des paysages, mêlé à un sentiment d’intense liberté me font basculer dans un état de bien être absolu. Je chante à gorge déployée, je crie de bonheur, je ris, je pleur de joie…

Les kilomètres s’enchainent, me faisant avancer dans des paysages magnifiques, loin de toutes habitations. Je me sens libre comment jamais ! Vers 18h00, ce trop plein de bonheur me fait craquer nerveusement et je fond en larme. Assis sur un banc, en bord de piste cyclable, je pleure… de bonheur, de tristesse… je ne saurais le dire ! Voilà plus de 15 ans que je n’ai pas pleuré, vidé de toutes mes larmes suite à mon divorce ! Mais aujourd’hui, je pleure et putain que ça fait du bien !!!

Au plus profond de moi quelque chose est en train de changer ! Ma vision du monde, ou plutôt la vision de MON monde est en train de changer ! Ma perception de la vie, de ses priorités est remise en cause, j’ai l’impression de faire fausse route depuis bientôt 50 ans.

Mes esprits retrouvés, je reprends la route tant bien que mal. Après un premier bivouac possible repéré, ma route me fait passer devant un camping en bordure de piste cyclable. L’occasion est trop belle pour ne pas la saisir, d’autant que le ciel devient menaçant.

La tente plantée, je me faufile jusqu’au bloc sanitaire ou se savoure le plaisir d’une douche ! Le bonheur est parfois composé de petites choses, aujourd’hui seulement je commence à en saisir le sens. Cet arrêt improvisé en camping est également l’occasion de laver quelques vêtements, ma tentative d’hier de trouver une laverie s’étant soldé par un échec.

Mais en attendant, l’orage prévu pointe le bout de son nez, le vent fait son entrée sans ménagement, accompagné bien d’une forte pluie. Bien au chaud et au sec dans ma tente, une seule question hante mon esprit : « Vais-je devoir plier ma tente sous la pluie ? »
Ce serait ballot, d’autant que la météo pour le reste de la semaine n’est pas encourageante !

Une journée chargée en émotions ou les instants de doutes et d’euphories se sont succédés. Un ascenseur émotionnel qui m’épuise mentalement. Ce périple tourne à la thérapie, en introspection.